L'industrie musicale africaine pourrait-elle tirer parti du digital ?
(SIMA 2022) - L’industrie musicale africaine a généré plus de 17 milliards de dollars hors concerts en 2017. Depuis lors, le marché a davantage explosé. En Afrique francophone seulement, on compte environ 400 millions de potentiels consommateurs de musique dont 65% ont moins de 25 ans. Le taux de pénétration d’Internet sur le continent qui est aujourd’hui de 22% selon la Banque mondiale, devrait impulser encore plus les revenus du secteur.
Les pays africains doivent donc renforcer leurs actions de sensibilisation en faveur du développement de l’industrie musicale, non seulement chez les professionnels du domaine, mais aussi chez les acheteurs.
Dans ce sens, le Salon des industries musicales de l’Afrique francophone (SIMA), qui se tiendra du 17 au 18 novembre 2022 à Abidjan, souhaite contribuer au développement et à la structuration du secteur. De nombreux spécialistes d'ici et d'ailleurs viendront nourrir la réflexion des acteurs du domaine et dégager des pistes de solutions concrètes quant à la possibilité pour la musique africaine en général et celle de la zone francophone en particulier de tirer pleinement profit de la digitalisation.
Lors de ce Salon, il s’agira, par exemple, d’évoquer la question du streaming et de la croissance du taux d’utilisation des services de paiement mobile qui boostent la consommation des œuvres musicales africaines sur la scène internationale. Avec un chiffre d’affaires de 71 millions de dollars en 2021 et une prévision de 314 millions de dollars en 2026, c’est une évidence. Diffusion rapide de la musique à l'échelle mondiale, coûts de distribution réduits pour les artistes qui veulent distribuer leurs œuvres eux-mêmes, sont entre autres les avantages de cette nouvelle possibilité de consommation de la musique. En la matière, les pays anglophones du continent ont, de façon positive, donné le la.
Ainsi, au Nigeria qui affichait déjà un chiffre d’affaires de 47 millions de dollars en 2014, la digitalisation de l’industrie musicale a permis à de nombreux artistes d’éclore. Davido, Burna Boy, Tiwa Savage, Wizkid et bien d’autres cumulent des millions d’écoutes de leurs différents tubes sur des plateformes disponibles sur Internet. Ces grands noms de la musique engrangent des dollars, faisant d’eux des millionnaires. En Afrique du Sud, au Kenya et dans bien d’autres pays d’Afrique anglophone, les industries musicales se professionnalisent de plus en plus et semblent tirer pleinement profit de la digitalisation. L’Afrique francophone devrait s’en inspirer.
Dans des pays tels que la Côte d’Ivoire où l’industrie a un potentiel indéniable, la digitalisation a de beaux jours devant elle. Selon les chiffres de l’Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI), le taux de pénétration de l’internet mobile au 31 mars 2022 était de 82,7% et celui de la téléphonie mobile était, à la même date, de 166,5%. Des chiffres qui confortent dans l’idée que tout est propice à l’émergence d’une industrie musicale prospère.
Les géants du marché de la musique à la demande ont perçu le potentiel du continent et sont en train de s’installer sur ce dernier. En effet, de grandes entreprises internationales de distribution de musique en ligne ont ouvert des représentations dans de nombreux pays. C’est le cas notamment de Spotify qui, en 2021, a annoncé son entrée dans 40 pays d’Afrique. Deezer, Apple Music, Tidal…les autres grands distributeurs de musique en ligne ne sont pas moins présents sur le marché africain.
A côté d’eux, des acteurs locaux revendiquent aussi leur droit à percer le marché. Iroking, Tigo, Simfy Africa ou encore Mdundo s’activent à gagner des parts de marché. Comptons également Boomplay qui a ouvert officiellement ses bureaux en Côte d’Ivoire en juin dernier. Ces plateformes offrent la possibilité à leurs abonnés de souscrire des abonnements gratuits et premium. Toute cette dynamique commerciale permettra à l’industrie musicale africaine de générer de l’argent qui profitera aux acteurs du secteur.
L’Afrique francophone sera dans quelques années l'un des plus grands marchés au monde de la diffusion de musique en continu. Nous devons tous nous préparer à être à la hauteur de cet avenir radieux. De la réflexion, des concertations et des actions en synergie sont nécessaires et des rencontres comme le SIMA répondent à ce besoin.
La perspective d’une digitalisation réussie de l’industrie musicale de l’Afrique francophone ne peut se réaliser sans l’apport considérable de la diaspora africaine établie dans les pays occidentaux. Celle-ci, en plus d’avoir la culture de l’achat de musique en ligne, bénéficie de toutes les commodités numériques et technologiques pour accéder facilement aux œuvres musicales. Il faut désormais mettre davantage à disposition les albums des artistes africains sur des plateformes internationales comme Deezer, Spotify, Apple Music, etc. qui comptent chaque mois des centaines de millions d’écoutes et de téléchargements légaux.
N’oublions pas non plus que la digitalisation de la musique africaine a un impact positif sur la visibilité d’artistes encore méconnus. Facebook, Tik Tok, Instagram, YouTube, Triller, etc., sont des réseaux sociaux où ces derniers peuvent faire montre de leurs talents. Rien que sur Facebook, en 2018, on dénombrait plus de 200 millions d’abonnés africains sur une population de près de 1,2 milliards d’habitants. Cela correspond à 17% de la population totale et 48.7% des internautes africains. Une véritable opportunité de visibilité.
Autre exemple : l'application Tik Tok, qui est devenue aujourd’hui un réel tremplin pour des artistes émergents. Ces dernières années, le réseau social chinois s’est imposé comme un acteur incontournable dans l’industrie musicale. Reprises par des millions d’abonnés sur TikTok, de nombreuses chansons sont ensuite devenues virales sur les plateformes de streaming.
L’industrie musicale est un excellent moyen de valoriser et développer le continent africain, tant sur le plan économique qu’en termes de développement durable. L’Afrique francophone a l’opportunité de valoriser ce secteur grâce au digital et ainsi briller à la hauteur du talent de ses artistes.
Source : Agence Ecofin